Voici le TEDx le plus challengeant que j’aie eu à faire. Ça se passe à Cannes en juin 2021. Pourtant, des TEDx, j’en avais déjà 5 derrière moi, donc j’aurais dû monter sur scène mes mains dans les poches ! Eh bien non.
Comment parler devant une audience dont on sait que statistiquement 79% des personnes croient encore qu’il faut manger des produits animaux pour vivre (sondage IFOP 2021), et que 2% seulement ont fait le pas de ne plus les tuer ? Comment aborder un sujet qui polarise autant les gens ?
Comment ne pas se faire donneur de leçons ?
Comment ne pas faire mal ce que d’autres font déjà si bien ? Je pense à L214 qui montre la réalité des abattoirs et de l’élevage, je pense au naturaliste Pierre Rigaud qui documente les horreurs de la chasse “de loisir”, je pense à ma bienaimée compagne de vie, Charlotte Arnal, qui travaille sur le droit des animaux dans la Constitution française, je pense à tous ces brillants chercheurs et chercheuses qui ont écrit tant de livres magnifiques tels que Zoopolis ou La pensée Végane ou Le mépris des bêtes.
Comment ne pas sombrer dans la pure rationalité pour justifier mon discours ? La compassion et le sens de la justice ne se suffisent-ils pas à eux-mêmes ? L’évolution de la conscience ne vient-elle pas avant tout d’un mouvement du cœur, d’une force évolutionnaire installée dans la psyché individuelle et collective ?
Alors oui, des données rationnelles justifiant le véganisme, nous en avons pléthore. Sur la sensibilité et l’intelligence des êtres que nous massacrons. Sur la santé humaine. Sur le climat. Ces données, on ne les répètera jamais assez face à cet obscurantisme collectif effroyable dont fait preuve notre espèce aujourd’hui quant à ses frères et sœurs animaux. Mais la rationalité ne fait pas (encore) beaucoup bouger les humains, on le sait bien.
Comment faire un TEDx avec toutes ces contraintes ?
Il me fallait tout simplement me recentrer sur mes propres recherches : l’évolution de l’espèce humaine. Comment notre espèce évolue-t-elle ? Selon quels moteurs ? Comment va-t-elle passer de l’Homo sapiens à l’Holo sapiens ? J’examine beaucoup de choses pour cela : le langage et les représentations du monde qu’il produit, la doxa, les formes d’intelligence collective, la technologie, la science, l’économie et les systèmes monétaires… Tout ça jusque dans les tréfonds de ma propre psyché et de mon corps, dont j’ai fait un laboratoire.
Et là, tout s’éclaire.
Notre espèce ne pourra évoluer que si elle devient l’espèce qui prend soin des autres.
N’y voyez pas une gentille posture morale bien Bisounours. L’évolution se fait d’abord par pure nécessité de survie. Notre espèce n’a tout simplement aucun avenir si elle continue de traiter les autres êtres comme elle le fait aujourd’hui. Aucun. Pour l’instant elle essaie encore de trouver des solutions purement technologiques ou politiques sans remettre en cause son alimentation. Un des grands angles morts de l’écologie, qui commence seulement à effleurer le sujet. Ce déni ne durera pas longtemps, les événements futurs nous feront bouger avec une intensité à la hauteur de l’ignorance opposée aux faits. Le respect des autres êtres vivants résout à la fois les questions de climat, d’environnement, de santé, de société. Nécessité d’abord, donc.
Le vrai miracle se produit après, une fois passées les souffrances de la nécessité, lorsque l’évolution se transforme en artiste débridée qui donne naissance aux plus belles et plus fantasques formes de vie et de conscience.
Celles-là, elles me font vraiment kiffer.
Sources utilisées dans le TEDx
Les 87% de gaz à effet de serre provoqués par l’élevage :
- sur le site de l’auteur (Sailesh Rao), qui lui-même vous renverra vers de très nombreuses sources et publications à comité de lecture
- Dans le Journal of Ecological Society à comité de lecture, page 155
79% des français pensent qu’on a encore besoin de manger des animaux : sondage IFOP 2021
Transcript
Je vous fais ici le pari que très bientôt, l’humanité, notre espèce, deviendra végane.
Mais commençons par le commencement…
Ça veut dire quoi, exactement, le véganisme ?
Beaucoup d’entre vous, vous y voyez peut-être un régime alimentaire.
En effet, mais ça va beaucoup beaucoup plus loin que ça.
On pourrait représenter le véganisme comme une éthique.
Une éthique dans laquelle on estime qu’il n’y a aucune raison valable d’exploiter ou de tuer des êtres vivants et sensibles si on n’a pas besoin de le faire.
Si on n’a pas besoin de le faire…
Et avons-nous besoin de le faire ?
J’imagine que beaucoup d’entre vous, vous aimez les animaux.
Peut-être que finalement la plupart d’entre nous avons déjà commencé ce chemin évolutionnaire vers le véganisme.
Alors, j’entends souvent dire : « oui, chez les mouvements véganes, un humain = une vache = un poisson »
Non.
Par contre, il s’agit de ce qu’on appelle l’égale considération, de donner en fait le droit de vivre aux animaux, tout comme les Droits de l’Homme garantissent le droit de vivre aux êtres humains.
Alors concrètement une personne végane ne mange plus les animaux ni ce qu’ils produisent – lait, œufs, miel – ne se vêtit plus de laine ou de cuir, s’oppose à la chasse de loisir, cherche des alternatives à l’expérimentation animale, s’oppose aussi à la corrida et toute forme de maltraitance.
Alors si je vous parlais d’un monde réellement devenu végane, au-delà des clichés qu’on entend souvent ?
Allons-y, dans ce monde-là.
Dans ce monde-là, on a redonné aux écosystèmes et à la vie sauvage 25% des surfaces autrefois cultivées. 25%.
Et si on ajoute les pâturages, les zones d’élevage extensif, alors on a rendu à la nature 80% des espaces que nous exploitions auparavant.
Les forêts repoussent, les animaux sauvages re-circulent, on en croise peut-être de plus en plus souvent…
Ils ne nous fuient pas, ils n’ont aucune raison de le faire.
Les océans aussi se repeuplent, poissons, coraux, plancton, et retrouvent leurs taux d’acidité normal.
La planète revit.
A votre avis, quel pourcentage de la production agricole mondiale va dans nos assiettes ? 80% ? 50% ? mm mm… 21% seulement.
Eh oui, 53% de la production agricole mondiale va non pas pour nous les humains, mais pour les animaux que les humains vont mettre dans leur assiette.
10% vont pour l’industrie et 16% partent en gaspillage.
Le GIEC nous rappelle que pour 1 kilo de produit animal dans notre assiette, il aura fallu 38 kilos de matière végétale pour nourrir ledit animal.
Matière végétale sèche, en plus. On a retiré l’eau du calcul.
Pas terrible hein, comme rendement, tout ça…
Dans ce monde-là, non seulement les océans, les forêts, ont repoussé, parlons aussi de ce que nous raconte l’American Dietetic Association, la plus grande, 100.000 personnes dans le monde.
Et qui nous dit déjà, dès 2009, qu’un régime végétal s’avère bon pour la santé, à tous les âges de la vie, y compris pour les enfants, les femmes enceintes, et les sportifs de haut niveau. Les athlètes.
Novak Djokovic ne vous dira certainement pas le contraire. Champion du monde de tennis avec une alimentation végétale.
Venus Williams non plus.
Et un des hommes les plus forts du monde qui s’appelle Patrik Baboumian qui nous rappelle que les animaux les plus forts – les gorilles, les éléphants, les buffles – mangent tous des végétaux.
Quelque chose, peut-être, de plus essentiel encore : dans ce monde-là, nous avons aussi changé, inversé, le réchauffement climatique.
Alors comment ? Eh bien tout simplement parce que deux faits :
1. Le premier, nous avons arrêté la production massive de méthane, 25 fois plus toxique, puissant, que le CO2. 25 fois plus, et nous avons arrêté.
2. En 2019, j’ai eu l’occasion de faire partie de ce qu’on appelle le peer-review, qui donc vérifiait une publication scientifique qui visait à calculer quel pourcentage de gaz à effet de serre proviennent de l’élevage.
Un travail de fond réalisé par le chercheur Sailesh Rao, indo-américain, dans le prestigieux Journal of Ecological Science.
Sailesh se demandait, mettait en doute en fait, les chiffres produits par la FAO, la Food and Agriculture Organization, et qui nous stipule que 14,5%
des gaz à effet de serre viennent de l’élevage.
Ça fait déjà beaucoup…
Le GIEC, les États, les journalistes, ont repris ce chiffre comme parole d’évangile.
Alors il fallait tout reprendre à zéro, tout recalculer, sans parti-pris, sans enjeux financiers derrière, et là je vous laisse deviner quel pourcentage de gaz à effet de serre il a trouvé…
Deux fois plus ? Trois fois plus ?
mm mm…
Six fois plus.
87% des gaz à effet de serre aujourd’hui viennent de l’élevage.
Quelque part, ça m’a rendu optimiste : il suffit de se mettre à aimer et à prendre soin des animaux pour sauver notre propre espèce.
Leçon systémique…
Il n’y a pas longtemps, j’avais une conversation avec une amie, une de ces conversations habituelles sur le véganisme. Et comme tant de gens, elle sait très bien qu’on n’a pas besoin de manger des animaux, elle sait très bien la souffrance qu’il y a. Comme 21% des français elle sait qu’on n’a pas besoin de les mettre dans son assiette. Elle concède que elle-même n’a plus aucune raison rationnelle de consommer des produits animaux.
Alors je lui demande :
– Mais pourquoi ne changes-tu pas ? Qu’y a-t-il qui te retient ?
– Eh bien, j’ai peur.
– Tu as peur de quoi ?
– Eh bien j’ai peur de mettre le doigt dans l’engrenage. J’ai peur de la personne que je vais devenir si je pousse l’analyse jusqu’au bout, de ne plus pouvoir aller au restaurant, faire des barbecues avec mes amis… J’ai peur de comment ça va se passer avec mes enfants, j’ai peur de comment ça va se passer au travail, comment on va me regarder, j’ai peur de ne pas savoir cuisiner !
Peut-être que vous ressentez vous aussi ce même malaise, peut-être maintenant même, comme je vous en parle…
Les sociologues et les spécialistes des sciences sociales ont un nom pour ça. On appelle ça “le paradoxe de la viande”.
Le paradoxe de la viande…
Il se produit exactement quand deux espaces cognitifs en nous se confrontent, s’affrontent. Deux logiques qui s’opposent. L’une dit : “j’aime les animaux, je ne veux pas leur faire de mal”… Et l’autre dit : “je les tue, je les mange”.
Beaucoup essaient de résoudre ce conflit intérieur en disant : “on peut manger des animaux et ne pas les faire souffrir”.
mm mm…
Un message largement relayé par les lobbies de l’élevage. Ils tirent là probablement leur dernière cartouche.
Regardons les choses en face : prendre soin des animaux ? Ok. Ca veut dire que nous allons mettre en extérieur 70 milliards d’animaux que nous tuons chaque année, dont la plupart viennent des enfers concentrationnaires dans lesquels on les garde ?
70 milliards ? Impossible.
Donc vous mangerez de la viande ou du fromage de temps en temps, ça vaudra très cher, ça n’aura absolument pas résolu la question du réchauffement climatique, et encore moins celles de la souffrance animale.
Cela vaut-il vraiment, vraiment le coup ?
Alors, si vous vous retrouvez dans cette conversation que j’ai eue avec mon amie, ou dans ce paradoxe de la viande comme tant de personnes, il n’y a rien à craindre.
Il suffit simplement déjà de confronter ce que je viens de vous dire.
Faites-vous votre propre avis, regardez les publications scientifiques, regardez les nombreux documentaires qui existent sur internet. Et si vous considérez que les animaux ont le droit de vivre comme nous, et que vous utilisez votre raison, votre rationalité avec courage – parce que ça en demande du courage – eh bien, votre chemin vers une humanité végane aura commencé, sans aucun doute.
Ca donnerait quoi un monde devenu végane, par désir, une fois passé l’océan fantasmatique des peurs ?
Vous voyez, le véganisme, au-delà de son évidence rationnelle et des horreurs qu’il rejette, a besoin de se construire une vision créatrice et désirable, ce que j’essaie de faire.
Alors…
Prenez du temps avec vous-même, prenez soin de vous, ne vous jugez pas, ne vous faites pas mal, ne devenez pas un tyran avec vous-même ou avec les autres.
Écoutez ce mouvement intérieur, ce mouvement évolutionnaire, cette petite voix qui sait.
Faites-lui confiance.
Vous y trouverez-là la plus grande des aventures : l’évolution de vous-même.
Je vous remercie.
Bonjour,
Magnifique article. Je partage vos arguments , plutôt que des arguments pseudo- scientifiques tels que homo sapiens est frugivore, etc….qui nuisent à notre crédibilité
Je n’ai pas de formation scientifique, mais je suis passionnée par l’évolution des espèces et l’éthologie
Je suis vegan, bien sûr
Merci !
Ps je ne parviens pas à afficher votre site en français
Bonjour Georgine,
Merci pour votre retour. En effet, il y a beaucoup d’argument pseuso-scientifiques en cours, alors qu’au bout du compte, tout se ramène à nos choix et à l’évolution de la conscience. La question se posait de la même manière, et avec un parallèle historique redoutable, pour l’émancipation des esclaves et l’égalité des droits humains. La science nous donne des faits, l’éthique nous permet de décider de ce qu’on veut faire avec.
Pour afficher le site en français, vous avez sur la page d’accueil en haut à droite les lettre FR ou EN qui apparaissent. Ca vous permet de sélectionner la langue.
Bonne continuation !