Aujourd’hui les algorithmes et l’IA pilotent votre vie, au sens figuré comme littéral. Ils vous disent quel produit acheter, quelle vidéo regarder et à quel post ou tweet vous devez réagir. Ils vous (dis)qualifient pour un emprunt et reconnaissent votre visage dans la rue.
Et ils vous disent chaque jour quel chemin prendre.
Les géants du numérique ont déjà installé leur emprise sur le monde de la mobilité. Ils vous donnent la route à suivre via votre smartphone. Ils savent aussi vous dire s’il vaut mieux prendre le train ou une trottinette. Ils tiennent aujourd’hui le volant de votre voiture et pilotent déjà l’avion qui vous transporte à New York, Moscou ou Marrakech.
Les géants du numérique portent un nouvel adage : “Dis-moi comment tu te déplaces, je te dirai qui tu es“. Et vice versa : “Dis-moi qui tu es, je te dirai comment te déplacer“.
Savez-vous que la seule connaissance vos tracés GPS permet déjà de savoir si vous gagnez le Smic ou si vous vivez de vos rentes ? Si vous votez à droite ou à gauche ? Si vous allez à l’église ou à la mosquée ou si vous pensez que Dieu n’existe pas ? Si vous préférez les hommes ou les femmes ? Si vous mettez des bas résille en secret le soir ?
Décidément, vous avez beaucoup de valeur.
Non seulement ceux qui possèdent vos données de déplacement vous connaissent mieux que vous-même, mais ils connaissent votre pays, votre territoire, votre ville et votre canton mieux qu’eux-mêmes. Les données qu’ils possèdent aujourd’hui sur les mobilités, sur la société, sur l’urbanisme, dépassent de très loin tout ce que possèdent l’État et les territoires sur eux-mêmes.
Derrière ces termes un peu abstraits, la donnée de mobilité parle de votre intimité autant que de votre citoyenneté.
Mise dans les mains de quelques uns, elle représente le plus fort levier de contrôle qu’on puisse avoir sur vous. Par elle, on peut déployer la violence publique ou privée. Sur vous, sur moi, sur tout le monde.
A côté de sujets comme la guerre, les pandémies, le climat et la coupe du monde de foot, la question à bas bruit de la mobilité et de son hold-up pourra sembler à priori bien rébarbative. Et pourtant, plus je l’ai creusée, plus elle m’a semblé passionnante car connectée à tous les enjeux de notre vie intime et collective.
Si nous abandonnons la mobilité et ses données à quelques uns, qu’il s’agisse de l’État ou des géants du numérique, que croyez-vous qu’il va se passer ?
Faudra-t-il, une fois encore, aller arracher notre liberté des mains de ceux qui en auront pris le monopole ?
Questions dont nous allons explorer les nombreuses ramifications avec Gabriel Plassat. Deux heures d’échanges, oui, deux heures pour ce nouveau Dialogue en nos Confins. Dans un monde qui consomme de la polémique façon fast-food, nous préférons prendre le temps d’aller au fond des choses, vers nos propres confins.
Bonne visualisation et bonne lecture !
A propos de Gabriel Plassat
Gabriel, je le connais depuis 2010. Son travail de recherche et sa réflexion n’ont cessé de m’impressionner. Il a fondé et il anime le site Transports du Futur, soutenu par l’ADEME. Plus récemment il a lancé le think tank La FabMob (la fabrique des mobilités), dont la vocation consiste à open sourcer la mobilité en mettant les acteurs publics, privés et citoyens autour de la table.
Plus que tout le monde, Gabriel a compris que mobilité, donnée et liberté marchent main dans la main.