Dans ses nombreux ouvrages, Paule Salomon rappelle que l’accomplissement amoureux peut commencer à se réaliser lorsque le couple intérieur de l’être a accompli son propre mariage, lorsque notre masculin et notre féminin, notre Shiva et Shakti, notre Yang et notre Yin vivent, vibrent et célèbrent pleinement au fond de notre psychisme. Libéré des mécanismes de manque et de compensation, l’être accompli devient androgyne. Il s’ouvre à la célébration joyeuse avec d’autres êtres comme lui nourris par l’union intérieure. Il n’y a plus deux êtres qui se rencontrent, mais quatre, offrant à leur danse amoureuse toutes les libertés qu’ils voudront s’accorder.
Paule Salomon parle ainsi de femmes solaires et d’hommes lunaires. J’admire la richesse de l’ontologie amoureuse que ses recherches lui ont permis de cultiver. Cette ontologie inspire mes propres travaux en intelligence collective, discipline traversée par ces mêmes questions du masculin et du féminin. Le narratif de Paule Salomon écrit également l’histoire des chemins que j’ai parcourus. Je me retrouve et me raconte en ses mots. On ne lit pas tous les jours sa propre histoire racontée par une autre personne !
Je voudrais ici partager un très beau passage du livre “La Sainte Folie du Couple“. Paule Salomon y détaille sa vision de l’homme lunaire mieux que je ne l’aurais jamais écrit. Cela m’a aidé à prendre conscience qu’il faut d’abord devenir femme solaire et homme lunaire pour vivre l’amour tel que je le décris dans ma série d’articles “Sexe, sexe, sexe“. Alors voici…

Les hommes lunaires, au sens de réconciliation des deux pôles, sont à un niveau d’évolution où le psychique a pris le pas sur le biologique. Sur le plan intérieur il se passe un phénomène important qui est celui de la présence à soi-même, à travers ce contact avec la femme intérieure. L’amour n’est plus autant au dehors qu’au dedans, ce qui n’exclut pas, bien au contraire, la femme extérieure. Les hommes lunaires sont très séduisants pour les femmes, car ils ont une dimension d’idéal en même temps qu’une grande souplesse. Pas de rigidité doctrinale, mais une souple bienveillance, une gaieté et une douceur venues de l’intérieur qui les rendent très attentifs à l’instant. Ils sont très présents dans l’amour, très “cellulaires”, comme la femme solaire. Tout leur corps est vibrant et ils aiment faire vibrer le corps de l’autre. Ce sont de merveilleux amants, indépendamment de la taille de leur sexe, de leur âge et de leur vitalité. Ils établissent une communication de peau à peau, un contact psychique, ils cherchent une communion d’âme. Ils aiment recevoir des caresses et s’abandonner, se couler dans une passivité féminine, solliciter le côté actif de la femme dans l’amour. L’harmonie entre les deux principes masculin et féminin leur permet de connaître une certaine plénitude intérieure qui leur fait vivre l’amour de manière différente. Les sentiments de possession, de jalousie, s’éloignent comme aussi les sentiments de rivalité, d’affirmation par la domination. Les besoins changent, les niveaux de plaisir aussi. L’harmonie du comportement ne répond pas à une exigence morale, mais à un besoin intérieur, à un goût. Il s’agit de coopérer avec l’autre comme on coopère avec soi-même avec la même amitié et le même plaisir.
Le poète apparaît, celui qui fait danser les mots, celui qui s’émerveille d’un sourire entrevu, d’une hanche qui roule, d’une poitrine qui se tend, celui qui fait pousser des fleurs, celui qui sifflote en voyant passer une femme, celui qui mange la couleur, celui qui dessine les parfums, celui qui habille le corps des femmes d’impalpable, celui qui ne sait qu’inventer pour aimer encore et encore cette féminité incontournable de la terre, de la vie, de la femme et de son âme.
Mais où est donc le terrible guerrier du patriarcat, celui qui veut sortir victorieux de toutes les guerres, qu’il crée dans une hâte répétitive tant il redoute l’inaction et son secret désir de contemplation ? Il est toujours là, mais son épée est au service du poète. Il n’est plus l’aspect dominant. Il s’est soumis à d’autres valeurs que les siennes, il entre volontiers au repos, le fameux repos du guerrier. Il garde l’intrépidité du chevalier pour s’investir dans l’action.
L’homme lunaire est libre, en voie de liberté. Il peut s’engager profondément et délibérément dans une relation comme il peut se garder de tout engagement, mais il y a une partie de lui qui reste irréductiblement et consciemment solitaire, sauvage, à jamais rebelle à toutes les structures. Il a une solitude heureuse et féconde qui lui permet d’entrer en contact avec son anima. Rabindranath Tagore décrit cette rencontre dans ces derniers poèmes :
Un jour de printemps, une femme se présenta
Dans les bois où je vivais en solitaire,
Sous les traits délicieux de la Bien-Aimée,
Elle se tenait près de l’arbre,
Se retourna et posa les yeux sur mon visage triste de chagrin.
D’un pas leste elle s’approcha et s’assit à mon côté.
Elle dit, me prenant la main :
“Tu ne me connais pas,
Et cela je ne le comprends pas !”
Je lui répondis :
“Ensemble nous construirons un pont entre nos deux êtres, pour toujours,
L’un à l’autre inconnus.
Ce puissant émerveillement est au cœur même des choses. Plus l’anima se précise sous la forme d’une image, d’une sensation, d’une musique, plus l’être est invité à vivre sa béatitude intérieure, plus il peut se poser dans l’immédiateté du présent et cesser de courir après une conquête toujours repoussée. L’homme lunaire a réussi à opérer une jonction entre le sexe, le cœur et parfois l’esprit. Cette jonction, même partielle, lui permet de rayonner d’amour, de gentillesse, sans complaisance. On est bien en sa compagnie, on ressent une chaleur, un bienfait qui peut augmenter dans l’intensité de l’échange.
[…] Mais d’abord, amour oblige, commençons par les préliminaires. Vous pouvez ensuite enchaîner sur l’Homme Lunaire. […]