Voici ci-dessous un texte essentiel de Satprem. Je ne puis résister à partager ce texte tant j’en reçois la force, et tant il résonne lorsque j’évoque, dans mes conférences, l’évolution de notre espèce. Sauf que, Satprem, écrivait cela en 1969. Voici donc…
«Le Grand Sens»
C’est le temps du Grand Sens.
Nous regardons à droite ou à gauche, nous construisons des théories, réformons nos Églises, inventons des super-machines, et nous descendons dans la rue pour briser la Machine qui nous étouffe — nous nous débattons dans le petit sens. Quand le bateau terrestre est en train de couler, est-ce qu’il importe que les passagers coulent à droite ou à gauche, sous un drapeau noir ou rouge, ou bleu céleste ? Nos Églises ont déjà coulé : elles réforment leur poussière. Nos patries nous écrasent, nos machines nous écrasent, nos Écoles nous écrasent, et nous construisons davantage de machines pour sortir de la Machine. Nous allons sur la lune, mais nous ne connaissons pas notre propre cœur ni notre destin terrestre. Et nous voulons améliorer l’existant — mais ce n’est plus le temps d’améliorer l’existant : est-ce qu’on améliore la pourriture ?…
… C’est le temps d’AUTRE CHOSE. Autre chose, ce n’est pas la même chose avec des améliorations.
Mais comment procéder ?
On nous prêche la violence, ou la non-violence. Mais ce sont deux visages d’un même Mensonge, le oui et le non d’une même impuissance : les petits saints ont fait faillite avec le reste, et les autres veulent prendre le pouvoir — quel pouvoir ? Celui des hommes d’État ? Est-ce que nous allons nous battre pour détenir les clefs de la prison ? Ou pour construire une autre prison ? Ou est-ce que nous voulons en sortir vraiment ? Le pouvoir ne sort pas de la poudre des fusils, pas plus que la liberté ne sort du ventre des morts — voilà trente millions d’années que nous bâtissons sur des cadavres, des guerres, des révolutions. On prend les mêmes et on recommence. Peut-être est-il temps de bâtir sur autre chose, et de trouver la clef du vrai Pouvoir…
… Alors il faut regarder dans le Grand Sens.
Voici ce que dit le Grand Sens :
Il dit que nous sommes nés il y a tant de millions d’années — une molécule, un gène, un morceau de plasma frétillant — et nous avons fabriqué un dinosaure, un crabe, un singe. Et si notre œil s’était arrêté en cours de route, nous aurions pu dire avec raison (!) que le Babouin était le sommet de la création, et qu’il n’y avait rien de mieux à faire, ou peut-être à améliorer nos capacités de singes et à faire un Royaume Uni des Singes… Et peut-être commettons-nous la même erreur aujourd’hui dans notre forêt de béton. Nous avons inventé des moyens énormes au service de consciences microscopiques, des artifices splendides au service de la médiocrité, et davantage d’artifices pour guérir de l’Artifice. Mais l’homme est-il vraiment le but de tous ces millions d’années d’effort — le baccalauréat pour tous et la machine à laver ?
Le Grand Sens, le Vrai Sens nous dit que l’homme n’est pas la fin. Ce n’est pas le triomphe de l’homme que nous voulons, pas l’amélioration du gnome intelligent — c’est un autre homme sur la terre, une autre race parmi nous.
Sri Aurobindo l’a dit : l’homme est un «être de transition». Nous sommes en plein dans cette transition, elle craque de tous les côtés : au Biafra, en Israël, en Chine, sur le Boul’mich’. L’homme est mal dans sa peau.
Et le Grand Sens, le Vrai Sens nous dit que la seule chose à faire est de nous mettre au travail pour préparer cet autre être et de collaborer à notre propre évolution au lieu de tourner en rond dans les vieilles hommeries sans issue et de prendre les faux pouvoirs pour régner sur une fausse vie.
Mais où est le levier de la Transmutation ?
Il est dedans.
Il y a une Conscience dedans, il y a un Pouvoir dedans, celui-là même qui poussait dans le dinosaure, le crabe, le singe, l’homme — qui pousse encore, qui veut plus loin, qui se revêt d’une forme de plus en plus perfectionnée à mesure que son instrument grandit, qui CRÉE sa propre forme. Si nous saisissons le levier de ce Pouvoir-là, c’est lui qui créera sa nouvelle forme, c’est lui le levier de la Transmutation. Au lieu de laisser l’évolution se dérouler à travers des millénaires de tentatives infructueuses, douloureuses, et de morts inutiles et de révolutions truquées qui ne révolutionnent rien, nous pouvons raccourcir le temps, nous pouvons faire de l’évolution concentrée — nous pouvons être les créateurs conscients de l’Être nouveau.
En vérité, c’est le temps de la Grande Aventure. Le monde est fermé, il n’y a plus d’aventures au-dehors : seuls les robots vont sur la lune et nos frontières sont partout gardées — à Rome ou à Rangoon, les mêmes fonctionnaires de la grande Mécanique nous surveillent, poinçonnent nos cartes, vérifient nos têtes et fouillent nos poches — il n’y a plus d’aventure au-dehors ! L’Aventure est Dedans — la Liberté est dedans, l’Espace est dedans, et la transformation de notre monde par le pouvoir de l’Esprit. Parce que, en vérité, ce Pouvoir était là depuis toujours, suprême, tout-puissant, poussant l’évolution : c’était l’Esprit caché qui grandissait pour devenir l’Esprit manifeste sur la terre, et si nous avons confiance, si nous voulons ce suprême Pouvoir, si nous avons le courage de descendre dans nos cœurs, tout est possible, parce que Dieu est en nous.
L’AGENDA DE LA MÈRE
28 juin 1969
Bannière du haut : René Magritte – Le paysage de Baucis
Merci beaucoup Jean-François et Claude. Vous m’avez fait découvrir Satprem et m’avez ainsi ouvert un espace, une “saveur”, une texture où j’ai pu trouver et goûter un peu d’un chaleureux repos, d’une douce paix, pendant cette période “d’agitations festives”. Un superbe cadeau, merci!
Avec joie Vincent. Les écrits de Satprem représentent autant le récit inédit d’un être éclairé, d’un aventurier du monde et d’un pionnier de la conscience, qu’une excellente façon d’entrer dans les écrits d’Aurobindo et de Mère.
Thanks , I’ve recently been looking for information about this subject for ages and yours is the greatest I have discovered so far. However, what about the conclusion? Are you sure concerning the source?
Hi! Thanks for sharing your experience with this text (btw you have the English version available on http://noubel.com). You ask 2 questions.
The source: I received this text from people in Auroville (which you will find at http://www.auroville.org/vision/Satprem.htm) and from people connected to the Sri Aurobindo ashram when I stayed in Pondicherry last December 2012. If you google some of this text you will see it appear many times as a writing of Satprem (whom I deeply enjoy).
About the conclusion of the text: I think it sends us back to ourselves. Do we want to “talk” about consciousness and all this stuff, or do we want to go in the direct experience? Do we “look” at it, or do we become it? Soul decides…
Quel cadeau je reçois Jean-Francois en lisant cet article la veille de lancer mon projet des Sens de l’Orientation ! Fabuleuse résonnance… Merci <3
Deux fois en deux jours que je tombe sur Satprem, alors merci Jean-François de renforcer avec ce texte l’Aventure du Dedans qui fait un bien fou !
Avec une grande joie. Merci Vanina !
Bonjour Jean-François.
Je vous lis depuis quelques temps et je m’intéresse aux mêmes choses que celles dont vous parlez. Je choisis cet article pour vous donner mon avis aujourd’hui.
Une fois qu’on a pris conscience de la malfaisance de notre société d’aujourd’hui, je pense que tout un chacun a envie de changer le monde. J’ai envie de changer le monde. J’ai envie qu’il soit comme dans nos utopies. Et je choisis ce terme car il faut savoir que suis une grande pessimiste.
Je pense réellement qu’il est de notre capacité intellectuelle de vivre dans une grande harmonie, ensemble. Seulement, aujourd’hui, je me pose une question : aurons-nous le temps de changer, même un peu, avant qu’il ne soit trop tard? (catastrophe environnementale, nucléaire, que sais-je encore). J’ai l’impression que c’est comme de sauter dans un puits très très profond. La descente est très rapide, c’est grisant, on a l’impression de voler un peu, et puis, quand on se retrouve au fond, on regrette vachement, et ça nous prend beaucoup, beaucoup plus de temps de remonter, si cela est d’ailleurs possible. Nous n’avons pas les moyens de changer radicalement le monde d’aujourd’hui. Et ce sera aujourd’hui jusqu’à temps qu’il y ait une très grosse catastrophe naturelle. Après celle-ci, ce sera demain, et quelque chose d’autre sera possible. Peut-être l’humanité survivra et ne reproduira pas les mêmes choses.
Je ne sais pas bien pourquoi je vous écris cela, mais je travaille beaucoup là dessus en ce moment et ça m’occupe pas mal l’esprit.
Ca n’attend pas réellement de réponse; c’est peut-être une demande implicite pour qu’on me contredise.
Bonjour Florane,
Pas certain de vous comprendre dans l’image du puits que vous évoquez. Peut-être pourrez-vous m’éclairer. En tout cas je ne connais pas de changement extérieur sans changement intérieur qui l’accompagne. En gros il s’agit d’incarner par soi-même le monde que l’on désire. Cela change complètement la perspective et la dynamique.
Pour ma part je vois partout des choses géniales se produire, et surtout un éveil formidable de consciences.
A bientôt !
[…] d’autre alternative que de passer à l’étape suivante — probablement l’espèce suivante — qui construira sa réalité sur une nouvelle langue constitutive d’une nouvelle […]