Les rêves utopiques s’avèrent dangereux quand ils ne passent pas le test du principe de réalité, autrement dit quand ils n’intègrent pas les lois de l’univers (le Vrai).
Les utopistes qui voulaient faire voler les plus lourds que l’air ont dû se confronter aux lois de la physique. Test réussi, on connaît la suite.
Une utopie dangereuse typique, et qui a toujours échoué, se produit quand quelqu’un veut que chacun vivre en conformité à un modèle unique. Il y a “industrialisation” de l’idée d’un seul vers tous les autres. Les « -ismes » issus de l’ère industrielle caractérisent bien ce fantasme. En niant la diversité d’un système vivant, on le tue. Boris Vian l’a bien exprimé lorsqu’il écrivait : “Ce qui m’intéresse, ce n’est pas le bonheur de tout le monde, mais le bonheur de chacun“…
Je me confronte donc au principe de réalité lorsque j’estime qu’on peut élaborer des technologies post-argent qui énoncent, ordonnent, mesurent et font circuler la richesse. Ces technologies de la richesse se basent sur la “physique” des systèmes vivants. Sur le plan biologique, elles existent déjà dans nos corps. Je crois donc au contraire que l’utopie d’une humanité ayant sophistiqué ses technologies de la richesse passera brillamment le test du principe de réalité. D’ailleurs, cette même réalité ne nous montre-t-elle pas combien le système monétaire relève d’un fantasme hors de toute loi physique ou du vivant ? Qui rêve ici ?
Il y a un exemple qui illustre bien cela. Si j’offre à mon enfant un jouet déjà tout fait – par exemple un château médiéval – cela n’a pas le même sens que si je lui offre des cubes ou des Legos. Dans le second cas, il peut infiniment créer, recréer, évoluer, sophistiquer ses créations suivant sa propre évolution. Il demeure libre et souverain, alors que dans le premier cas on lui impose une forme avec laquelle il ne peut vivre qu’une seule expérience. Même chose pour les technologies de la richesse versus l’argent. Les technologies de la richesse offrent un langage infiniment composable, l’argent impose une forme unique de société, le contraire même du vivant.